Tribune : La formation des agents publics à la transition écologique menacée ?

Nous publions avec 3 réseaux partenaires cette tribune appelant à la poursuite du Plan de formation généralisée à la transition écologique dans la fonction publique, aujourd'hui menacée. Cette contribution fait suite aux précédentes contributions du Lierre sur la formation des agents publics à la transition écologique, dont celle du 2 mars 2023 proposant un nouveau référentiel et une ambition forte en matière de formation multidisciplinaire et systémique.

Cette tribune, publié le 30 octobre sur le site du média Acteurs Publics, fait suite aux précédentes contributions du Lierre sur la formation des agents publics à la transition écologique, dont celle du 2 mars 2023 proposant un nouveau référentiel et une ambition forte en matière de formation multidisciplinaire et systémique.

En 2022, le ministre Stanislas Guérini a lancé un plan de formation généralisée à la transition écologique dans la fonction publique, à fin 2024 pour les 25.000 cadres supérieurs, et fin 2027 pour l’ensemble des agents. Acteurs publics révélait le 9 octobre que ces objectifs de formation  ne seraient pas atteints, voire que la pérennité du projet de passage à l’échelle aux 2,5 millions d’agents publics était menacée.
Luc Abbadie, président du groupe de scientifiques nommé par le précédent gouvernement, a ainsi exprimé son inquiétude au sujet du devenir de ce programme alors que le cabinet du nouveau ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l’action publique ne compte plus de conseiller dédié à la transition écologique.

A quelle fin la formation des agents publics serait-elle décisive ?

En premier lieu, les agents publics participent à la mise en œuvre de politiques publiques qui ont un impact sur la vie de nos concitoyens (l’empreinte carbone de chaque Français, correspondant aux services publics dont il bénéficie, est estimée à 1,4 tonnes de CO2 soit près de 20% de ses émissions totales moyennes).
Deuxièmement, ils représentent une part importante de la population active, avec 5,7 millions d’agents.
Dans ce contexte, les cadres supérieurs de l’État ont une responsabilité particulière dans la prise de décision – singulièrement pour la bonne mise en œuvre du plan de transformation écologique de l’Etat et de la planification écologique – raison pour laquelle ils participent à ces formations.

La priorité doit donc d’abord aller à la finalisation de la formation des cadres supérieurs de l’État et sa réalisation complète intégrant les dernières séquences, celles des visites de terrain et du passage à l’action. Des décisions de financement interministériel arbitrées en 2023 n’ont pas été respectées, laissant les services-formation des ministères en assurer la charge sur la base de leur budget usuel, ce qui a freiné voire bloqué l’achèvement de cette première vague.
L’objectif de généralisation d’ici à 2027 devrait par ailleurs être réaffirmé par le ministre de la fonction publique et préparé.

Quelles modalités de déploiement pour la généralisation de la formation ?

Plusieurs questions se posent dès lors qu’il s’agit d’organiser le nécessaire passage à l’échelle, multipliant la cible par un facteur 100 (de 25 000 à 2,5 millions).

Une des préoccupations qui s’exprime porte sur le passage d’une formation 100 % présentielle à un dispositif surtout numérique.
Pour l’appropriation et l’acceptabilité de la formation, et surtout pour aller jusqu’à transformer les comportements professionnels, conserver des temps présentiels sera indispensable. Des garanties doivent être offertes pour s’assurer que les agents pourront y assister et se les approprier.

Au-delà du format des sessions, il s’agira d’adopter des contenus plus diversifiés, adaptés aux cultures et aux métiers des différents ministères.
La première phase dédiée aux cadres supérieurs de l’État a été déclinée de manière uniforme sur l’ensemble des ministères. Or, la formation doit permettre de développer des compétences professionnelles valorisables par la suite et adaptées à chaque métier. Le programme devrait donc viser l’acquisition de compétences requises par la transition écologique, plus que la transmission de savoirs académiques ou experts.
Sur ce dernier point, la formation professionnelle continue appelle d’autres modalités d’acquisition des compétences qu‘une approche universitaire.
En outre, l’extension de la cible, à tous les agents, suppose une adaptation des contenus à des niveaux de qualification et d’expertise différents de ceux requis pour les premiers cadres formés.

Comment utiliser à plein le vivier d’agents volontaires qui se sont formés à l’animation interne à la transition écologique ?

Le financement d’un tel dispositif de formation relève des investissements indispensables à la transition écologique. Il faut en effet financer des intervenants externes ou compenser les agents volontaires pour animer des sessions de formation.

Le nombre d’animateurs formés est important mais devrait être largement augmenté pour assurer une réelle diffusion. C’est donc aussi par la formalisation d’une volonté politique forte, impliquant les différents ministères et chaque niveau hiérarchique, que cette formation pourra se déployer.
Les moyens doivent être donnés aux agents de pouvoir être acteurs des formations, en leur dégageant du temps, en les encourageant financièrement et en valorisant les parcours de carrière et de promotion des volontaires. Elle pourra mobiliser des animateurs internes de l’État qui ont déjà été formés – on peut d’ailleurs noter que reculer sur le déploiement de la formation alors que l’État a investi dans la formation des animateurs internes, serait une perte financière sèche, à regretter dans un contexte de restriction budgétaire.

La création d’une communauté permanente d’animateurs internes est ainsi l’une des conditions de réussite de ce projet, ce que l’Ademe souligne pour le monde des entreprises. Cela nécessite de soutenir et d’encourager cette communauté qui pourrait également disposer d’une capacité d’action formalisée avec du temps dégagé, dédié à l’animation des formations ou encore à des propositions d’actions au sein de l’administration.

Au bout du compte, c’est bien la question du passage à l’action après la formation qui sera centrale.C’est à cette aune que chacun pourra jauger les intentions de réorienter l’Etat vers la planification écologique, alors que les premiers arbitrages budgétaires présentés par le gouvernement nous préoccupent quant au niveau d’ambition écologique fixé et aux moyens accordés pour les atteindre.

Signatures :

  • Ariane AZEMA, membre du comité d’orientation du Lierre
  • Raphaël YVEN, fondateur du Lierre
  • François THOMAZEAU, Sens du Service Public
  • Noam LEANDRI, Sens du Service Public
  • Justine DUVAL, Pour un Réveil Écologique
  • Christine MORO, Une fonction publique pour la transition écologique
  • Benjamin CARACO, Une fonction publique pour la transition écologique