Le Lierre et d’autres acteurs publics engagés réagissent à la circulaire « Services publics écoresponsables »

Suite à la publication de la circulaire de la Première Ministre sur les 15 engagements pour la transformation écologique de l’État, Le Lierre partage l'analyse que nous faisons de ces premières annonces, qui vont indéniablement dans la bonne direction mais soulèvent aussi des questions.

A la suite de la sortie fin novembre de la circulaire de la Première Ministre sur les 15 engagements pour la transformation écologique de l’État, Acteurs Publics a interrogé le Lierre et d’autres organisations engagées sur la question (FPTE, PRE, UNSA) sur l’analyse que nous faisions des 15 engagements et des mesures qui l’accompagnent.
Nous partageons ici les principaux extraits de l’article de Philippe Ramognino du 15 décembre 2023 qui reprend les analyses de ce plan d’action qui va indéniablement dans le bon sens, celui d’un engagement croissant de l’État en faveur de la transformation écologique des services publics.

Entre attentes et déceptions, le plan écologique de l’État reçoit un accueil mitigé écrit la journaliste Philippine Ramognino pour Acteurs Publics.

Par l’attente qu’elle a suscitée, la circulaire « Services publics écoresponsable » déçoit en partie les acteurs publics engagés, une part importante des mesures relevant davantage de l’application de réglementations déjà votées que d’initiatives innovantes ou de virage radical de la vision des services publics.
La faible mobilisation des agents dans le plan écologique de l’État est également pointée du doigt.

La démarche est louable car elle va dans le bon sens, mais déçoit en partie sur le fond et sur la forme. C’est globalement ce qu’il ressort des réactions des acteurs engagés dans l’action publique environnementale, qui attendaient de pied ferme la sortie de la circulaire « Services publics écoresponsables », finalisée de long mois après son annonce initiale. Un temps d’élaboration qui aurait pu être mis à profit, selon certains observateurs, pour tenter d’aller plus loin et d’imaginer le plan écologique de l’État comme une démarche systémique de transformation des services publics, mettant notamment en avant le rôle et l’implication des agents dans la transition environnementale.

« Il y a globalement une tonalité positive, ces mesures vont vraiment dans la bonne direction. On se réjouit de voir cette brique de la planification écologique être posée dans ce vaste assemblage », analyse Wandrille Jumeaux, cofondateur de l’association Le Lierre. La quinzaine d’engagements pris par l’État a le mérite d’englober l’ensemble des grands enjeux environnementaux et de responsabiliser officiellement les administrations.
« C’est bien que l’affichage se fasse sous le terme de la transformation écologique, cela montre que l’on va beaucoup plus loin que la simple transition », apprécie de son côté Marc Abadie, inspecteur général de l’administration et vice-président du collectif Une fonction publique pour la transition écologique.

Car le caractère indispensable de l’exemplarité de l’État n’est plus à prouver. Non seulement ses émissions de CO2 ne sont pas négligeables, mais l’engagement et la cohérence de la puissance publique est également nécessaire pour entraîner le reste de la société dans la transition écologique. »C’est un énorme levier d’attractivité, car cela correspond aux attentes des jeunes générations » , ajoute Angel Prieto, chargé de mission « Économie et innovation » au SGA d’Auvergne-Rhône-Alpe. […]

Alors qu’elle s’annonçait particulièrement ambitieuse, la circulaire SPE n’a finalement pas révélé de mesures réellement innovantes, la plupart des actions énoncées reprenant des plans nationaux et réglementation déjà en vigueur. « Beaucoup de mesures réglementaires avaient déjà été votées et consistent à de l’application, observe ainsi Wandrille Jumeaux.
Ce n’est donc pas le grand soir mais c’est un bon début, qui permet à l’État d’être un peu plus crédible dans son discours ».

Léo Bulckaen, membre du collectif Pour un réveil écologique, regrette que l’application de textes en vigueur soit présentée comme de nouvelles ambitions :
« C’est un peu décevant, on aurait pu s’attendre à ce que la circulaire aille plus loin que les dispositions réglementaires et législatives ».
Dans la manière d’aller plus loin, Wandrille Jumeaux aurait apprécié une réflexion autour de la transformation publique qui dépasse les seuls services de l’État :
« On ne retrouve pas de vision systémique, de transversalité avec les autres briques de la planification écologique, qui prévoient pourtant de transformer les politiques publiques. Cela traduit une vision statique, qui n’est pas replacée dans le contexte plus large de la réorientation des missions de service public ».

Le co-fondateur du réseau Le Lierre cite notamment la mesure 13.3 de la circulaire, qui ne vise pas seulement à encourager la sobriété du service public mais promet de revoir les façons de faire, la construction et l’aménagement : « C’est une forme de mesure radicale, qu’on ne retrouve pas avec la même ampleur dans les autres volets, qui vont par exemple se contenter de respecter les lois prévoyant une alternative végétarienne, le réemploi du matériel informatique… La réflexion ne porte pas sur le besoin, que le SGPE (Secrétariat général à la Planification écologique, ndlr) invite pourtant à réinterroger ».
Léo Bulckaen et son collectif soulignent également que le plan ne propose pas de véritable changement de paradigme sur la manière dont pourrait évoluer le service
public dans sa globalité : « l’État réfléchit à sa transition écologique en essayant d’optimiser son fonctionnement à système constant, il ne va pas trop changer ses habitudes. On aurait pu espérer un peu plus d’ambitions. »
[…]

Autre constat partagé par la plupart des observateurs : le manque d’implication des agents, à la fois dans la construction et la mise en place du plan, alors même qu’ils seront indispensables à sa bonne exécution. Certes, l’exécutif a consulté les collectifs spécialisés et affirme avoir pris en compte les retours d’expériences des agents engagés, mais la démarche n’a pas été inscrite dans le dialogue social.
« On a pu remarquer que les mesures auront des impacts forts sur l’organisation et les conditions de travail et peut-être même sur les missions des agents. C’est ennuyeux de vouloir métamorphoser les services publics sans l’inclure dans le dialogue social, cela n’a fait l’objet d’aucune instance » , regrette Annick Fayard, secrétaire nationale de l’Unsa Fonction publique, qui juge également la planification trop descendante et n’abordant pas suffisamment la question des agents.
Une réflexion partagée par Marc Abadie, ancien président de CDC Biodiversité et ancien chef de l’inspection générale de l’administration, Place Beauvau. « Il manque quelque chose de fondamental car l’État est un gigantesque employeur : les outils qui vont permettre de mieux inclure les agents publics ».
[…]

« Jamais on ne cite l’impact sur les conditions de travail des agents, alors même que de forts engagements leurs sont transférés, comme favoriser les transports en commun et le temps de trajet que cela implique, constate de son côté Annick Fayard de l’Unsa. C’est comme si tout était prêt pour accueillir les modifications induites par cette planification, or on sait très bien que derrière ces questions ne sont pas réglées. Il y a des objectifs volontaristes mais un problème de faisabilité qui n’est pas exploré. » […]

La question des moyens

Si un certain nombre de mesures écologiques n’incluent pas de surcoûts et peuvent même parfois générer des économies, certains champs nécessitent de mettre la main au portefeuille, comme le passage à l’alimentation biologique ou la rénovation des bâtiments de l’État. L’investissement économique à fournir sera colossal dans les prochaines années, comme l’a démontré le rapport Pisani-Ferry au printemps dernier.
« L’éléphant au milieu de la pièce est la question des moyens, analyse Wandrille Jumeaux. Nous ne sommes pas du tout à l’échelle pour les bâtiments de l’État […] ».
Le co-fondateur du réseau de hauts fonctionnaires craint les arbitrages surement « difficiles »que vont devoir prendre les préfets. « On leur demande de mettre en place les différentes mesures comme si cela pouvait se faire à budget constant, or on sait qu’il y a des surcoûts en matière de fonctionnement. L’une des conditions de réussite du plan est qu’il soit adossé à des moyens humains et financiers ». Le réseau Le Lierre propose notamment la création d’un fonds vert à destination des services de l’État pour leur permettre de mettre en œuvre les mesures, à l’image de celui existant pour les collectivités. […]

Mais les annonces n’ayant pas encore été officiellement faites, les espoirs d’ambitions plus profondes sont encore permis. De plus, les plans devant être construits individuellement par chaque administration, les bonnes surprises pourront potentiellement venir du terrain. « De notre point de vue, le match n’est pas terminé et nous n’excluons pas de nouvelles annonces », conclut ainsi Wandrille Jumeaux. […]

Consulter ici l’intégralité de l’article sur le site d’Acteurs Publics