Revue de presse estivale – retour sur l’actualité  « brûlante » de l’été 2022

Une sécheresse historique, des canicules qui se succèdent, des dizaines de milliers d’hectares ravagés par des incendies difficilement contrôlables. Le thème du changement climatique s’est imposé dans le quotidien des Français, jusqu’à entrevoir une prise de conscience réelle ? 
Le Lierre vous propose une revue de presse des actualités estivales avant la rentrée !

Bonne lecture et bonne fin de vacances !

Les temps forts de l’été

Sobriété et énergies renouvelables : des mesures à venir ? 

Le 6 juillet, la première ministre, Elisabeth Borne, avait promis des « réponses radicales à l’urgence climatique ». En effet, la France doit rendre deux fois plus rapide la baisse de ses émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Ainsi, entre 2022 et 2030, la France devra se débarrasser de 16 millions de tonnes CO2 chaque année (une baisse de 4,7%/an), alors qu’elle a seulement éliminé 8,1 millions de tonnes (baisse de 1,7%/an depuis 2010) selon le Haut Conseil pour le Climat (HCC).

Cette baisse des émissions est également dictée par la législation européenne sur le climat adoptée en juillet 2021. La loi souhaite que le pays baisse ses émissions de 50% en 2030 par rapport à 1990, et non plus 40%.

D’ici la rentrée, une vaste concertation doit être lancée en vue d’une nouvelle loi climat-énergie, un texte qui permettra de définir filière par filière, territoire par territoire, des objectifs de baisse des gaz à effet de serre et les moyens mis sur la table. L’exécutif promet, également, un « vaste plan de sobriété ». Une feuille de route doit aboutir à la création de plusieurs groupes de travail, auprès de divers secteurs d’activité, comme le logement, le numérique, les grandes surfaces. L’objectif premier est d’identifier les leviers et outils visant à réduire de 10% la consommation.

Pour en savoir plus : la tribune de Matthieu Auzanneau, DG du Shift Project, « La reconstruction nécessaire aujourd’hui est tout à fait comparable à celle de l’après-guerre », Les Echos, 22 août 2022


Créer un véritable service public de la rénovation énergétique des bâtiments 

Le dispositif public France Renov, propose un guichet unique de conseils pour l’isolation du parc immobilier mais reste insuffisant au regard des besoins selon Nicola Delon. Le 28 juin, le tribunal de Nanterre a placé le constructeur des maisons Phénix en liquidation judiciaire. Cette entreprise était l’un des acteurs-phares de la construction de maisons individuelles, et largement responsables de l’étalement urbain, l’une des causes principales de l’artificialisation des terres agricoles. Le moment est, ainsi, venu de créer un véritable service public de la rénovation énergétique. En effet, l’histoire des services publics révèle qu’ils ont été créés dans des moments de nécessité, où l’intérêt général a prévalu pour améliorer la vie des citoyens. Le dispositif France Renov est très insuffisant aujourd’hui, avec une fonction limitée au conseil et non un service opérationnel. La France compte au moins 5 millions de bâtiments considérés comme des passoires thermiques.  Ce grand chantier permettra d’agir concrètement sur les deux défis que constituent la « fin du mois » et la « fin du monde ».

En savoir plus : Nicola Delon, « Le moment est venu de créer un véritable service public de la rénovation énergétique des bâtiments », Le Monde, 3 août 2022

Christian Gollier, Entre fin du mois et fin du monde : économie de nos responsabilités envers l’humanité, Leçons inaugurales du Collège de France, 15 juin 2022


Quels efforts à fournir entre les individus et le collectif face à l’urgence climatique ?

De nombreux comportements individuels sont inscrits dans des dimensions très collectives. Leur poids oriente et contraint fortement les décisions individuelles. Par exemple, la plupart de nos comportements de mobilité sont encastrés dans toute une série de choses qui sont très collectives : l’aménagement du territoire et l’organisation familiale. Aujourd’hui, les 50% les moins fortunés émettent cinq tonnes de CO2 par an. Les 10% les plus fortunés sont à vingt-cinq tonnes. Il est primordial de mobiliser les individus sous l’angle de la mise en regard de leur contribution, avec leur responsabilité. Le monde de l’éducation, de la recherche, des médias, de la culture doivent diffuser et transmettre des nouveaux modèles. Selon Sophie Dubuisson-Quellier, sociologue, la première Association pour le maintien de l’agriculture paysanne (AMAP) s’est créée à la Maison de la radio. Les gestes individuels peuvent paraître démobilisant car de nombreux effets de dissonance (la différence entre l’action d’un individu et le reste de la société) sont visibles. Ces éléments renvoient les individus à leur incapacité à faire bouger un système.

Pour savoir plus, nous vous recommandons cet entretien de Sophie Dubuisson-Quellier, sociologue :  « L’injonction aux petits gestes pour le climat peut être contre-productive », Le Monde, 17 août 2022


Freiner nos investissements dans les énergies fossiles

Les énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) représentent toujours 80% de l’énergie consommée dans le monde. Elles sont aussi les principales responsables du changement climatique. Aujourd’hui, selon Céline Guivarch, il est nécessaire d’arrêter de nous enfermer dans une dépendance vis-à-vis des énergies fossiles. Nous devons cesser de faire ce qui est contraire à nos objectifs. Les investissements doivent également être orientés vers les solutions, dans certains domaines comme le transport, l’agriculture ou la foresterie. Réduire la combustion d’énergies fossiles permettra également d’améliorer notre santé (les émissions génèrent des maladies respiratoires, cardio-vasculaires, certains cancers.). De nombreuses connexions entre environnement et santé sont à prévoir. Par exemple, le déploiement des mobilités actives (vélo et marche) est une solution à la sédentarité tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports. L’une des solutions serait d’adopter des technologies, en particulier avec les énergies renouvelables. Si le solaire et l’éolien remplacent du charbon, du gaz et du pétrole, ils permettront de réduire les émissions et l’accès à des services énergétiques dans certaines zones desservis jusqu’à maintenant.

En savoir plus : Céline Guivarch, « On continue à trop investir dans les énergies fossiles », Le Monde, 20 août 2022


Vanter l’écologie et utiliser de façon effrénée le numérique sans se soucier des conséquences négatives sur le climat 

Le numérique serait une source de pollution oubliée, à tel point que les mots du web sont souvent ambigus selon Guillaume Pitron.  En effet, les clouds sont des serveurs empilés dans des étagères, qui s’élèvent, aujourd’hui, à 3 millions. L’un des plus grands data centers de la planète, s’étend sur une surface équivalente de 110 terrains de footballs. L’ensemble de l’infrastructure internet, selon Greenpeace, est en passe de devenir la chose la plus vaste que l’homme ait jamais construite : c’’est une infrastructure à la fois sous-marine avec un véritable réseau amphibie constitué de câbles sous-marins (1,2 millions de km), terrestre (câbles, centres de stockage des données), et de plus en plus spatial avec une montée en puissance de l’Internet de l’espace.L’ensemble du numérique représente 10% d’électricité mondiale, 4% des gaz à effet de serre. C’est un impact matériel très fort, trois fois l’empreinte matérielle d’un pays comme la France ou la Grande-Bretagne. Il faut ajouter les mines exploitées pour extraire les métaux qui servent à la fabrication des téléphones.

Notre utilisation iraisonnée du numérique (NFT, métavers, réalité virtuelle) nous amène à développer une forte pollution numérique, sans qu’une utilité sociale particulière soit démontré. Il parait primordiale de mettre en rapport les opportunités et les coûts environnementaux qu’ils représentent. Le numérique engendre une inflation de nos usages et une surconsommation de tous ces outils.

En savoir plus : Guillaume Pitron « Le numérique représente une pollution toujours plus importante », Le Figaro, 21/08/22


Tour d’horizon de l’actualité dans le monde

FRANCE

AURA  Première région en matière de volume de bois sur pied, la Région Auvergne Rhône-Alpes doit se frotter aux enjeux climatiques, comme l’ont démontré la sécheresse et la canicule de cet été, ayant entrainé des feux de forêts inédits au sein de plusieurs massifs. Les effets du changements climatiques se mesurent lors de la récolte. En effet, la production annuelle des espèces comme les sapins peut tomber de moitié lorsque le climat évolue, mais aussi des effets sur les plantations de nouveaux arbres, qui ne survivent pas aux fortes températures. Plusieurs mesures, comme créer des zones coupes-feu et encourager une plus grande gestion et entretien des forêts sont envisagés. De plus, les propriétaires de forêts seront formés à l’adaptation au changement climatique.

EUROPE

UE Le futur Fonds social pour le climat (FSC), approuvé fin juin par les ministres européens, devrait allouer 6 milliards d’euros à la France à partir de 2027. Il financera des aides directes aux revenus ou à la rénovation des bâtiments. Une partie de ces aides (35%) ira aux ménages sous forme d’aides directes aux revenus, par exemple sous forme de défiscalisations ou de réductions des taxes énergétiques. Le FSC servira à amortir le choc de l’inculsion à terme du secteur du transport routier et des bâtiments (chauffage) dans le système européen d’échange de quotas d’émissions de CO2.

Pour en savoir plus : « Europe : des financements pour aider les plus pauvres dans la transition écologique », La Gazette des communes, 28 juillet 2022

ITALIE En dépit des alertes des scientifiques, les événements extrêmes qui se succèdent suscitent peu de débat dans un pays en campagne électorale. Le débat sur le changement climatique reste loin des plateaux télévisés dans le pays. Le parti écologiste Europa Verde estime que l’Italie a « atteint un point de non-retour ». La formation peine à dépasser les 4% d’intentions de vote dans la perspective du scrutin du 25 septembre. La communauté scientifique n’a pourtant pas manqué d’alerter sur les conséquences du dérèglement climatique. Dans un texte intitulé « Lettre ouverte à la politique italienne » par le Centre euroméditerranéen sur les changements climatiques, plus de 700 scientifiques insistent sur la vulnérabilité de plus en plus évidente de l’Italie. La prise de conscience doit passer également par les médias, qui parle des bouleverses climatiques comme un « mauvais temps » (maltempo).

Pour en savoir plus : En Italie, « des scènes de chaos après de violentes tempêtes », Le Monde, 20 août 2022,

AUTRICHE Plus de 120 scientifiques autrichiens spécialisés sur le climat vont compiler dans un rapport toutes les connaissances scientifiques sur le changement climatique spécifique à l’Autriche. Une partie importante du rapport se focalisera sur les options d’adaptation du pays au changement climatique. Le rapport mettra l’accent sur les mesures envisageables pour réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre du pays. Ce rapport est nécessaire compte tenu des diverses caractéristiques de l’Autriche (zones de haute montagne du Tyrol avec les glaciers, petites agglomérations dans les vallées, Vienne et les basses terres avec une industrie agricole).

Pour en savoir plus : https://klar-anpassungsregionen.at/fileadmin/user_upload/Downloads/FactSheet_en_2021.pdf

INTERNATIONAL

USA/CHINE Selon Antonio Guterres, il n’y a « aucun moyen de résoudre les problèmes les plus urgents du monde entier sans un dialogue et une coopération efficaces » entre les Etats-Unis et la Chine, après le voyage controversé de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre américaine des représentants à Taïwan. L’absence de discussions entre les deux plus grands émetteurs de CO2 mondiaux est, inquiétante. Malgré tout, le 12 août, le plan d’investissement de Joe Biden sur le climat et la santé, d’un montant de 430 milliards de doillars a été promulgué. La Chine, s’est engagée en 2020 à atteindre la neutralité carbone d’ici 2060, en publiant un plan pour les industries à forte émission de carbone.

Pour en savoir plus : Bastien Alex, Julia Tasse, « L’environnement est-il un marqueur de la rivalité sino-états-unienne ? », Revue Internationale et Stratégie, n°120, p.39 à 47,

CHILI Le 4 septembre prochain, se tiendra le référendum pour adopter la nouvelle Constitution du Chili. Composé de 388 articles, ce texte, écrit par le peuple, s’attaque à un nombre important de points jusqu’alors vecteurs de tensions comme l’accès des individus à l’eau. Dans l’article premier, le Chili est notamment, défini comme un « État plurinational, interculturel et écologique ». La proposition constitutionnelle reconnaît que « l’humanité se confronte à une crise climatique et écologique qu’elle doit prendre en charge ». Elle consacre, également  « une protection aux écosystèmes tels que les glaciers et les zones humides » et reconnaît « l’eau comme bien commun inappropriable ». Issu de la gauche, Gabriel Boric est le président le plus jeune de l’histoire du pays et entend accorder une place plus importante à l’Etat, notamment pour favoriser la transition énergétique et la protection environnementale. Rappelons que le Ministère de l’Environnement du Chili a été créé en janvier 2010.

Pour en savoir plus : Le Grand Continent, « L’assemblée constituante chilienne a remis son projet de Constitution à Gabriel Boric », juillet 2022

ARGENTINE Depuis 2020, les feux du delta du Parana font partie du quotidien des Argentins. Selon Sergio Federovisky (vice-ministre de l’Environnement et du Développement durable argentin, « nous sommes dans une situation de grande adversité climatique : sécheresse persistante depuis quatre ans et baisse des eaux du Parana, ce qui génère une accumulation colossale de végétation sèche. A cela s’ajoute l’action des braconniers et de ceux qui utilisent le feu pour nettoyer leurs champs alors que c’est interdit. Ainsi que ceux qui cherchent à repousser la frontière agricole, en brûlant des terres qui étaient sous l’eau il y a encore peu ». Le gouvernement est fortement critiqué pour son inaction : en deux ans et demi, les feux ont dévoré 853 000 hectares, l’équivalent de quarante-deux fois la ville de Buenos Aires.

Pour en savoir plus : Good Planet Mag’, « Feux importants dans le delta du Parana », 18 août 2022