Allier ambition climatique et souveraineté énergétique est possible

Alors que vient d'être dévoilé l'avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, le GT Énergie du Lierre réagit à ce texte important en alertant sur l'affaiblissement des objectifs climatique français, sur la suppression des objectifs de développement des ENR et sur l'insuffisance de l'ambition pour les économies d'énergie.

Un avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique a été dévoilé cette semaine. Après deux lois « techniques » en 2023 (renouvelables et nucléaire), ce texte était attendu afin de permettre à la France de véritablement lancer sa planification énergétique en vue d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
Son volet programmatique interpelle à plusieurs égards et annonce le retour d’une vision industrielle plutôt qu’écologique, cohérente avec le rapatriement de l’administration en charge de l’énergie au sein du Ministère de l’économie.


Le Lierre souhaite alerter sur les points suivants : 

Le projet de texte affaiblit les objectifs climatiques français et européens.

L’objectif ne serait plus de « réduire » mais de « tendre vers une réduction » de nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Cette modification de la nature même de cet objectif aura sans nul doute des conséquences sur la responsabilité de l’État français qui pourrait être recherchée devant les tribunaux engagés par des associations souhaitant opposer à l’État ses propres objectifs. Or, le levier du contentieux climatique, utilisé en France comme dans pays, permet de soutenir la réorientation des objectifs de long-terme face à l’inaction politique de court-terme. En outre, la rehausse de l’objectif de réduction des émissions de GES en 2030 – souhaité et désormais moins contraignant –  à 50% en 2030 au lieu de 40% (par rapport à 1990) est en trompe l’œil. Ce dernier s’exprime en émissions brutes et non en nettes alors que l’objectif européen de -55% (« fit for 55 ») s’exprime en nette pour prendre en compte les effets des puits de carbone. 

Ainsi, le texte ouvre une première possibilité de non atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050 en décalant les étapes intermédiaires et en réduisant l’ambition par rapport aux trajectoires européennes. Le (nouveau) décalage de la conversion des centrales à charbon françaises en centrales « bas-carbone » à fin 2027 (au lieu de 2024) tel que proposé par le texte en est une première illustration. Or, réussir les objectifs 2050 passe par réussir les objectifs 2030 tels que le Lierre le rappelait dans sa contribution à la stratégie française énergie-climat début 2022.

Le projet de texte supprime les objectifs de développement des énergies renouvelables.

Aucune mention n’est faite des objectifs européens qui visent à atteindre au moins 42,5% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie brute d’ici 2030. Or, le plan national énergie-climat de la France communiqué à la Commission européenne ne mentionnait pas les objectifs EnR français tels que préconisés par la directive renouvelable, c’est-à-dire exprimés en % de la consommation finale d’énergie à horizon 2030. En réponse, la Commission a recommandé à la France de « relever ses ambitions » pour que soit inscrit dans son Plan un objectif d’au moins 44 % d’EnR dans sa consommation finale d’énergie brute d’ici à 2030. Mais le gouvernement semble vouloir persister en définissant un objectif européen « bas-carbone » plutôt qu’EnR pour 2040 au lieu de 2030 en vue des élections européennes.Supprimer les objectifs renouvelables dans la consommation finale (regroupant l’électricité, la chaleur et le gaz) et dans la production d’électricité – alors que la décarbonation passera par une électrification massive qui ne pourra se faire exclusivement dans les prochaines années avec des renouvelables – affaiblira indéniablement la future programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui doit décliner les priorités secteur par secteur. En outre, la « neutralité technologique » prônée par le Gouvernement ne semble plus respectée dès lors que des objectifs sont précis pour la relance d’un programme nucléaire et incertains pour les EnR.

Le projet de texte amorce une timide hausse des économies d’énergies.

En dépit d’objectifs affichés en matière de sobriété et d’efficacité énergétique qui tirent les leçons de la crise énergétique, le texte fixe des ambitions paradoxales sur la baisse des consommations.  L’objectif de réduction de la consommation d’énergies fossiles passe de 40 à 45 % en 2030 et 65% en 2035 afin d’accompagner l’électrification des transports et la conversion des chaudières à fioul et gaz. Toutefois, il supprime aussi l’objectif de 100% de bâtiments basse consommation en 2050, faisant peser un risque sur le rythme des rénovations énergétiques voire une remise en question des réglementations et des financements. 

Il est probable et souhaitable que le Conseil National de la Transition Écologique (CNTE) saisi actuellement du texte permette une modification du texte avant sa présentation en Conseil des Ministres au sein d’un Gouvernement remanié.  Dans ce cadre, Le Lierre appelle à ce que le texte rétablisse des objectifs visant à :

  • Respecter les engagements internationaux et européens de la France en matière climatique et énergétique visant à sortir des énergies fossiles ;
  • Rétablir des objectifs d’énergies renouvelables au même titre que pour le nucléaire ;
  • Conserver une trajectoire de décarbonation du bâtiment. 

Cette contribution est celle du Groupe de travail Énergie du Lierre.