Organisé avec la Fondation de l’Écologie Politique, le dernier DMDM de l’année s’est tenu jeudi 25 juin. Retour sur un riche échange autour des mobilités douces et durables…
Codirecteur.ice.s du Forum Vies Mobiles, Think tank de la mobilité, Sylvie Landriève et Christophe Gay nous ont présenté les enjeux et résultats de leur dernière étude évaluant les impacts sociaux de la crise du coronavirus sur la mobilité des Français.se.s. Comment concilier transition énergétique et les besoins en mobilité ? Quelles sont les nouvelles attentes ? Comment mettre en place des politiques publiques de mobilité dans un contexte post crise ?
1. Analyse des déplacements, devenus centraux dans le fonctionnement de nos sociétés contemporaines
La mobilité est une liberté fondamentale et les déplacement occupent une place centrale dans nos modes de vie, dans le fonctionnement des territoires, dans notre économie. Mais la liberté pose la question de l’accélération de nos modes de vie, et devient un problème quand elle vient heurter la transition écologique des territoires.
D’une manière inédite, le covid a restreint cette liberté de se déplacer, et le confinement a révélé la possibilité de gérer autrement la distance.
Phénomène mondial, la mobilité est aujourd’hui vécue comme un droit fondamental, une norme sociale positive (qui témoigne d’un dynamisme, d’un cosmopolitisme), associée à la liberté. Elle devient pourtant un problème dès lors qu’elle est la 2e contributrice à l’échelle mondiale des émissions de gaz à effet de serre (1er contributeur en France avec 30% des émissions). C’est un secteur non contrôlé dont l’impact environnemental est en constante progression.
2. L’étude : l’impact de la mobilité sur les modes de vie
Les Français.e.s passent aujourd’hui 10h/semaine (plus d’une journée de travail !) en moyenne à se déplacer. Mais raisonner en terme de moyenne n’a pas de sens, car la disparité des situations est très grande. Les politiques publiques ne doivent pas être construite sur la base des déplacements moyens des français.e.s, mais doivent prendre en compte différentes formes de mobilité.
Par ailleurs, beaucoup de français.e.s organisent leur vie à 9 kms autour de leur domicile (30%). Cela représente une vraie opportunité pour les mobilités douces.
Le confinement que nous venons de connaître est le résultat d’une crise de la mobilité incroyable, liée à une pandémie causée par les déplacements aériens. A l’échelle nationale, il a posé la question de la résilience des territoires quand ils ne peuvent plus être approvisionnés comme avant. A l’échelle locale, il a transformé les espaces dédiés à la voiture. A l’échelle individuelle, il a bouleversé les modes de vie de chacun en ne permettant plus de se déplacer. Pourtant, 2/3 des personnes de l’enquête sont tout à fait satisfaite de ne pas avoir eu à se déplacer pour les trajets domicile-travail pendant le confinement.
L’expérience du confinement apparaît comme une opportunité de repenser les politiques publiques vers des propositions qui étaient inaudibles avant.
3. Les propositions
- A l’échelle locale, on constate qu’en France il existe 2 fois plus de linéaire de route par habitant qu’en Allemagne, en Angleterre ou en Italie. La première proposition est de dédier une partie de notre réseau existant aux mobilités douces. Cette mesure ne coûte rien aux collectivités, et ne concurrence pas les pistes cyclables existantes (car ces réseaux express sont là pour aller vite). Les routes permettant de créer un réseau complet apaisé existent déjà, y compris dans des espaces ruraux.
- Donner aux salarié.e.s la possibilité de télétravailler (30% pendant le confinement contre 3% normalement). Cette proposition ouvre de nouvelles opportunités d’organisation du territoire et répond à un problème de congestion dans les transports. Il s’agirait d’un droit au télétravail comme manière de s’émanciper de la dépendance à la distance.
- Crédit ou carte carbone : donner à chacun le même quota de carbone (alors que la taxe carbone ne fait rien sur le volume global des émissions et n’impacte pas les plus polluants : les riches qui peuvent la payer). Cette proposition pose des questions sur sa mise en oeuvre (quel traçage ?), mais semble déjà possible sur les billets d’avion, de train ou l’usage de la voiture (toutes équipées de compteurs).
L’enjeu est avant tout de sortir de l’idée que la mobilité n’est qu’une variable d’ajustement dans la vie de chacun et un outil au service des autres politiques publiques sectorielles.
L’intervention de Sylvie Landriève et Christophe Gay a été complétée par des témoignages de membres du Lierre qui travaillent sur les problématiques de mobilité durable.
Ils nous ont partagé leur vision de la mobilité et leurs retours d’expérience concrets.
Le confinement a en effet représenté une opportunité inédite et sans commune mesure pour accélérer le déploiement des pistes cyclables provisoires. L’urgence de la situation n’a pas toujours permis de poursuivre la méthode de construction des politiques publiques et la concertation habituelle, mais a permis de dépasser certaines réticences. Les projets sont aujourd’hui provisoires mais constamment bilantés pour être améliorés puis pérennisés (comme expliqué dans cet article). Leur caractère provisoire et réversible aide à rassurer les plus opposés à ces aménagements.
Pour changer les habitudes, il faut aussi changer les structures, et notamment réinventer les réseaux routiers comme un réseau de transports collectifs. Les lignes de covoiturages mises en place pour les collectivités locales, comme un service public, par Ecov permettent de créer des parcours quasi aussi intéressants qu’une voiture individuelle quand ils sont inclus dans des politiques publiques locales.
Ces événements sont réservés aux membres du Lierre. Sur le même sujet, nous vous invitons à découvrir la note récente de l’Institut Rousseau, qui cherche à définir les pistes de sortie de crise à privilégier, au sein des secteurs spécifiques que sont le transport maritime et fluvial, ferroviaire, aérien, automobile et des mobilités dites « douces » comme le vélo.