đŸŒ±Tribune sur le ZAN et la PPL TRACE : Pour la prĂ©servation des sols, n’affaiblissons pas l’ambition du ZAN !

La proposition de loi “TRACE” discutĂ© mi-mars prochain au SĂ©nat propose d'instaurer une trajectoire de rĂ©duction de l'artificialisation des sols concertĂ©e avec les Ă©lus locaux. Dans la perspective des dĂ©bats parlementaires, le groupe AmĂ©nagement du territoire du Lierre analyse les enjeux du ZAN et les inconvĂ©nients apportĂ©s par cette proposition de loi qui dĂ©tricote dangereusement le cap nĂ©cessaire de la sobriĂ©tĂ© fonciĂšre.

La proposition de loi “TRACE” discutĂ© mi-mars prochain au SĂ©nat propose d’instaurer une trajectoire de rĂ©duction de l’artificialisation des sols concertĂ©e avec les Ă©lus locaux. Dans la perspective des dĂ©bats parlementaires, le groupe AmĂ©nagement du territoire du Lierre analyse – dans cette tribune parue dans la Gazette des communes – les enjeux du ZAN et les inconvĂ©nients apportĂ©s par cette proposition de loi qui dĂ©tricote dangereusement le cap nĂ©cessaire de la sobriĂ©tĂ© fonciĂšre.

N’oublions pas les raisons d’ĂȘtre du ZAN : Les sols sont le support et le lieu d’habitat de la biodiversitĂ©, ils nous nourrissent, ils rĂ©gulent les bioagresseurs et les maladies, prĂ©servant la santĂ© des plantes, ils rĂ©gulent le cycle de l’eau, ses flux et sa qualitĂ©, prĂ©venant les inondations et nous donnant accĂšs Ă  de l’eau potable ; ils captent le carbone. L’artificialisation galopante qui dĂ©truit les sols pose un vrai risque dont nous mesurons aujourd’hui parfaitement les consĂ©quences – sans parvenir encore Ă  en traiter l’origine. En France, plus de 20 000 hectares de sols sont artificialisĂ©s par an1.

Le ZAN devrait ĂȘtre un impondĂ©rable parce qu’il permet de prĂ©server une ressource essentielle qui ne l’était pas suffisamment jusqu’à prĂ©sent : l’assouplissement prĂ©vu dans la proposition de loi sĂ©natoriale est contre-productif, ne faisant que reporter la nĂ©cessitĂ© d’agir.

Ainsi entre autres mesures, la proposition de loi “TRACE”2 prĂ©voit non seulement de supprimer l’objectif intermĂ©diaire de rĂ©duction de moitiĂ© de l’artificialisation d’ici 2030, mais elle va jusqu’à modifier la dĂ©finition juridique de l’artificialisation : non plus “l’altĂ©ration durable de tout ou partie des fonctions Ă©cologiques d’un sol”, mais seulement “la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers”. Cette reformulation appauvrit le sens du ZAN et ignore la dimension qualitative de la fonction Ă©cologique des sols.

PlutĂŽt que d’abroger l’objectif intermĂ©diaire Ă  2030 initial, il faudrait concentrer tous les efforts sur les moyens – techniques et financiers – Ă  trouver pour l’atteindre.

L’argument des « maires bĂątisseurs »


Comme ses prĂ©dĂ©cesseurs, le Premier ministre a promis de soutenir les « maires bĂątisseurs » lors de sa dĂ©claration de politique gĂ©nĂ©rale le 14 janvier 2025. Mais cette vision, quelque peu dĂ©suĂšte et dĂ©calĂ©e au regard des enjeux actuels, mĂ©rite d’ĂȘtre remise en question.
Le dĂ©veloppement du territoire et la mise en Ɠuvre de nouveaux projets ne doit plus se traduire systĂ©matiquement par la consommation d’espace et l’artificialisation des sols.
L’attractivitĂ© d’un territoire passe Ă©galement par l’amĂ©lioration du cadre de vie et donc par le rĂ©usage et la rĂ©novation du bĂąti et des espaces urbains existants. Il faut donner les moyens aux Ă©lus de favoriser Ă  chaque fois des approches alternatives, comme la densification urbaine et la requalification. En prenant en compte les enjeux locaux, les besoins rĂ©els en logements et la nĂ©cessaire rĂ©industrialisation des territoires, il faut pouvoir arbitrer et innover non pas contre, mais dans le cadre du ZAN.
Ces solutions sont souvent plus complexes et plus coĂ»teuses, certes, mais seulement si on en a une approche Ă  court terme. Il faut changer nos maniĂšres de faire en nous adaptant Ă  cette nouvelle trajectoire de l’amĂ©nagement, qui peut d’ailleurs favoriser la crĂ©ativitĂ© et l’émergence de nouveaux mĂ©tiers et de nouvelles filiĂšres.


Il ne s’agit pas d’éluder les difficultĂ©s de mise en Ɠuvre du ZAN bien rĂ©elles, mais ce qu’il faut savoir c’est que des solutions existent et doivent ĂȘtre expĂ©rimentĂ©es, y compris pour adresser la diversitĂ© des contextes territoriaux des collectivitĂ© : plusieurs associations et instituts ont dĂ©jĂ  fait des propositions concrĂštes d’outils fiscaux, techniques et juridiques pour y rĂ©pondre.
De fait, plusieurs territoires ont dĂ©jĂ  fait d’immenses progrĂšs dans le domaine de la sobriĂ©tĂ© fonciĂšre et de la prĂ©servation des sols, les retours d’expĂ©riences rĂ©ussies en ce domaine ne manquent pas. On peut Ă  ce titre mentionner les cinq rĂ©gions (Bretagne, Normandie, Bourgogne Franche-ComtĂ©, Nouvelle Aquitaine, Hauts-de-France) qui ont dĂ©jĂ  adoptĂ© la mise Ă  jour de leurs schĂ©mas d’amĂ©nagement (SRADDET).

Malheureusement, la position de cette PPL fait l’inverse : partir de l’existant, ne rien changer, en dĂ©pit du fait manifeste que tout change autour de nous. C’est un retour en arriĂšre. Il semble pourtant incohĂ©rent de vouloir conserver des maniĂšres de faire hĂ©ritĂ©es de la France des annĂ©es 1970 quand le bĂ©ton coulait Ă  flot, les matĂ©riaux Ă©taient peu chers et le pĂ©trole abondant. Face aux dĂ©fis actuels, le gouvernement en tant que garant de l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, doit pouvoir faire preuve de vision, d’ambition et de courage politique. Les alĂ©as climatiques, l’extinction de la biodiversitĂ©, les conflits d’usages, ne disparaĂźtront pas magiquement en mettant le ZAN sous le tapis.

Améliorer, pas affaiblir
DĂ©tricoter le ZAN, c’est Ă©galement balayer d’un revers de manche les efforts rĂ©alisĂ©s par les nombreux acteurs dans les rĂ©gions, les communes, les mĂ©tropoles, les instances dĂ©concentrĂ©es
qui ont ƓuvrĂ© depuis 2021 pour le mettre en Ɠuvre.
C’est le rĂŽle de l’État et du service public que d’avoir une vision ambitieuse des efforts Ă  fournir tout en donnant de rĂ©els moyens aux collectivitĂ©s pour la mettre en Ɠuvre. Des Ă©lus locaux se sont exprimĂ©s en ce sens dans une tribune rĂ©cente, demandant Ă  ce qu’il n’y ait pas de retour en arriĂšre.3
Le mĂ©rite du dĂ©bat actuel autour du ZAN est qu’il met en lumiĂšre une interrogation plus profonde : Ă  quand la fin du pointillisme politique et de la multiplication des plans et programmes sans cohĂ©rence les uns avec les autres ?
Quand serons-nous capables de construire avec les collectivitĂ©s territoriales une stratĂ©gie d’amĂ©nagement du territoire suffisamment ambitieuse pour faire face aux enjeux actuels, Ă©conomiques, dĂ©mographiques et Ă©cologiques ?
Il est temps que l’État affirme, au cĂŽtĂ© des collectivitĂ©s territoriales, un rĂŽle plus fort en faveur de la rĂ©gulation et de la prĂ©servation des espaces naturels, en adressant les contradictions manifestes. Cela nĂ©cessite une vision claire, qui ne cĂšde pas face aux pressions ou aux rĂ©sistances, mais qui place l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral au cƓur de ses dĂ©cisions.

Une tribune du Groupe de Travail Aménagement et Territoire du Lierre
Ă  retrouver sur le site de La Gazette

  1. Cerema, mai 2024. ↩
  2. PPL “Trajectoire de RĂ©duction de l’Artificialisation ConcertĂ©e avec les Elus” dĂ©posĂ©e au SĂ©nat le 7 novembre 2024. ↩
  3. https://www.lagazettedescommunes.com/956885/zan-les-elus-locaux-demandent-des-solutions-pas
    un-abandon/
    ↩