Législatives 2024 : Les fonctionnaires doivent-ils démissionner ?

Quelle attitude les (haut)fonctionnaires peuvent-ils adopter à l'issue des élections législatives ? Obéir en toutes circonstances à un pouvoir légitime, garantir l’État de droit et les valeurs de la République ou privilégier la continuité du service public ? Nous publions une analyse de Jean-François Collin, haut-fonctionnaire, afin d'éclairer les agents publics et tous les citoyens qui s'intéressent à l'inévitable politisation de la haute administration et au devenir de notre fonction publique et de nos services publics.

L’attitude des fonctionnaires en cas de victoire de l’extrême-droite dans le prochain scrutin législatif dès 30 juin et 7 juillet, fait l’objet de débats depuis quelques jours (cf les articles cités plus bas).
Certains dénoncent par avance le manque de courage supposé des fonctionnaires qui accepteront de continuer à travailler avec un Premier Ministre d’extrême droite à Matignon ; d’autres agitent au contraire la menace d’une démission massive des hauts fonctionnaires qui laisserait le Rassemblement National sans cadres pour faire
fonctionner l’appareil d’État, en supposant sans doute que tous les fonctionnaires sont de gauche, ce qui est loin d’être le cas.

Dans ce contexte, Jean-François Collin, haut-fonctionnaire à la retraite et membre du Lierre, nous fait part de son analyse sur la politisation de la fonction publique.
Sa contribution nous paraît très utile au débat pour :

  • rappeler ce qui distingue les haut-fonctionnaires des 5,6 millions d’agents publics,
  • expliquer les règles de nomination des emplois supérieurs de l’administration, « à la discrétion du gouvernement », ainsi que le cadre posé par le statut de la fonction publique depuis la loi du 19 octobre 1946, révisée à de multiples reprises,
  • tirer les leçons de l’alternance politique de 1981 et de la création de l’ENA,
  • expliquer comment l’affaiblissement continu de la fonction publique nourrit un travail continu de domestication conduit par le pouvoir exécutif,
  • proposer deux modes de désignation de la haute fonction publique, qui assume plus ou moins sa politisation,
  • éclairer les graves questions juridiques et morales qui pourraient se poser avec un gouvernent d’extrême-droite, quant au respect des principes d’impartialité, d’égalité des citoyens devant la loi et d’accès aux services publics,
  • expliquer pourquoi l’immense majorité des fonctionnaires va rester en poste, au regard de la réalité de leurs fonctions et des besoins du pays, et expliquer ce qui les encadre, oblige et protège dans leurs fonctions (devoir de neutralité, d’obéissance, appréciation du devoir de désobéissance si l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public…).

Et de conclure que les fonctionnaires, s’ils doivent mettre en œuvre les orientations qui leur sont données par les ministres dont ils relèvent, sont aussi garants de la continuité du service public et de la transmission d’une expérience accumulée, ce qui n’a rien à voir avec une volonté d’opposition au pouvoir politique d’un quelconque État profond.

Une contribution éclairante, destinée aux membres du Lierre, aux agents publics et à tous les citoyens qui s’intéressent au devenir de notre fonction publique et de nos services publics dans ce contexte politique inédit en France. Vous pouvez la consulter en ligne ou la télécharger ci-dessous.

Ancien élève de l’ENA, haut-fonctionnaire à la retraite, Jean-François Collin a travaillé dans différents ministères (économie, agriculture, environnement, culture et communication) et à la ville de Paris. Il fut notamment directeur de cabinet de Louis Le Pensec, Dominique Voynet et Yves Cochet, secrétaire général adjoint de la ville de Paris, directeur général d’Eau de Paris, secrétaire général du Ministère de la culture et de la communication, puis conseiller maître à la Cour des comptes

Pour aller plus loin, nous vous recommandons les articles suivants, parus dans la presse en juin 2024 :